Protocoles de collecte

Quelles qu’en soient les motivations, chaque observation nouvelle contribue à améliorer nos connaissances sur la répartition des coléoptères coprophages. Et il faudra de nombreuses observations pour que nous ayons une vision juste de l’organisation des peuplements de ces insectes discrets. Toutes les contributions sont donc les bienvenues.

Pour être identifiées, la plupart des espèces doivent être observées à la loupe. Elles doivent donc être capturées. Il existe plusieurs méthodes pour capturer les coléoptères coprophages. Nous en détaillerons quatre qui sont adaptées aux espèces des milieux tempérés.

 

 La chasse à vue

Il s’agit de la technique la plus simple, la plus rapide et la moins contraignante. La chasse à vue permet d’observer la majorité des espèces, mais elle ne fournit qu’une vision biaisée du peuplement puisque les espèces les plus discrètes seront moins facilement observées.

 Matériel

Gants, pince souple, petite pelle, tube de collecte.

Description

Les insectes sont recherchés en fouillant directement les excréments ainsi que le sol sous-jacent. Il est préférable de procéder par étapes et par strates horizontales, car on ne retrouvera pas forcément les mêmes espèces sous la croûte sèche, dans le cœur plus humide et à l’interface sol/substrat. Si la masse est suffisamment compacte, il est conseillé de la retourner d’un seul bloc, car c’est généralement à l’interface sol/excrément que l’on observe le plus facilement les individus. Une fois la bouse retournée, l’observateur peut alors s’intéresser aux insectes restés au sol, et à ceux accrochés à la bouse.
Si la récolte est satisfaisante en ayant simplement retourné l’excrément d’un bloc, il est alors préférable de le remettre en place, de manière à conserver le micro-habitat favorable au développement des larves.

 Espèces concernées

Cette technique est efficace pour capturer les espèces de la guilde des résidents (dits aussi endocoprides). Ainsi, les espèces les plus fréquemment observées sont les grosses espèces d’Aphodiidae comme Teuchestes fossor (Linnaeus, 1758), Melinopterus prodromus (Brahm, 1790), Colobopterus erraticus (Linnaeus, 1758), et bien d’autres...

Voici trois espèces, de trois familles différentes dans leur micro habitat commun : la bouse ! Droite-haut : un géotrupe ; Droite-bas : un aphodien ; Gauche : un scarabée. Photos : P. Jay-Robert et C. Leandro

 Le piégeage avec un appât odorant

Le piégeage demande plus de préparation et de matériel. Il existe plusieurs modèles de pièges. On conseillera le piège de type C.S.R. (Cebo-Sobre-Rejilla) (LOBO et al., 1988 ; VEIGA et al., 1989).

 Matériel

Gants, bassine (environ 20 cm de diamètre), grille à grosse maille (10 mm), eau, sel, liquide vaisselle, pelle, tube de collecte… et 300 g d’excrément frais.

 Description

Le piège est constitué d’une bassine enfouie au ras du sol et remplie d’eau salée (pour éviter le pourrissement) avec quelques gouttes de produit vaisselle (pour empêcher les insectes de flotter). La bassine est surmontée d’une grille à grosse maille sur laquelle est disposé l’appât (bouse ou crottin frais). Les Coléoptères, attirés par l’odeur, tombent dans la bassine en tentant d’atteindre l’appât.
Les pièges sont laissés en place une semaine au maximum. Deux jours peuvent suffire mais il est essentiel de piéger par beau temps.
Il est important de noter que le piégeage peut être très destructeur : pour les bousiers qui peuvent être capturés en grand nombre, mais également pour d’autres espèces non ciblées (y compris de petits vertébrés). Il est donc conseillé d’user de cette méthode avec parcimonie.
Le nombre de pièges à utiliser dépend du contexte paysager et de l’objectif de l’étude (inventaire de la faune locale ou régionale) ; pour plus de détails, lisez l’article de Lobo et al. (1998).

 Espèces concernées

Le piégeage permet de capturer pratiquement toutes les espèces de coléoptères coprophages. La technique est très efficace pour détecter la présence des espèces fouisseuses (dites paracoprides) des genres Onthophagus, Geotrupes ou Copris, ou rouleuses (télécoprides), comme les Scarabaeus, dont l’observation par chasse à vue est plus aléatoire.

Pièges CSR sur le terrain ; de gauche à droite : piège classique jour 0, piège classique j+3, variante de piège CSR avec entonnoir en vinyl ; variante avec bassine carrée. Photos 1, 2 et 3 C. Leandro, Photo 4 W. Perrin.

Variante : Piégeage attractif non-destructeur

On peut confectionner un piège non-destructeur analogue au piège CSR. L’idée est d’attirer des individus pour des observations directes et de limiter les captures aux espèces non identifiables à l’œil nu.

 Matériel

Gants, bouteille de 5 litres en plastique, couteau, grille à grosse maille, pelle, tube de collecte… et 300 g d’excrément frais.

 Description

On découpe en trois la bouteille en plastique à l’aide du couteau. La partie comportant le goulot est disposée à la manière d’un entonnoir dans le culot de la bouteille ; la partie centrale n’est pas utilisée. Le piège est enterré au niveau du sol et couvert d’une grille à large maille sur laquelle est déposé l’appât. Le système doit être relevé deux ou trois jours après son installation. On peut améliorer la survie des insectes en plaçant un peu de terre humide au fond du piège. Le système doit être relevé deux ou trois jours après son installation afin de maintenir les insectes vivants.

Les espèces concernées sont identiques à celles du piégeage CSR.

Exemples de pièges pour une observation sans destruction. Photos W. Perrin et schéma extrait du site web http://www.waldeneffect.org/blog/Soil-life_vignettes/

Piégeage lumineux

Le piège lumineux repose sur le fait que de nombreux insectes crépusculaires ou nocturnes sont attirés par la lumière. Il est assez lourd à mettre en place.

Matériel

Groupe électrogène, lampes à vapeur de mercure et/ou à ultraviolet, armature rigide, draps blancs, tube de collecte.

 Description

Le piège consiste à placer un système lumineux dans une zone dégagée. Le dispositif est généralement constitué d’ampoules produisant un spectre UV qui attire les insectes vers un drap blanc tendu verticalement. Un autre drap blanc est étendu sur le sol, pour permettre de repérer facilement les insectes à terre. Les ampoules sont alimentées par un groupe électrogène. La récolte des insectes s’effectue des deux côtés du drap, par terre et aux alentours du piège, certains insectes ne se posent qu’à une certaine distance de la lumière. Ce type de piège nécessite la présence constante de l’opérateur qui collecte les insectes au fur et à mesure de leur arrivée.

Remarque : le piège lumineux attire les insectes depuis de très grandes distances, ce qui peut être gênant pour une étude fine du milieu. Il donne en revanche de bons résultats dans le cadre d’une étude régionale. Il permet de collecter les insectes avec discernement.

 Espèces concernées

Hétérocères, Coléoptères (dont le genre Copris pour les espèces coprophages), Névroptères, Hyménoptères, Hémiptères, etc.

 

Conservation des individus

Les insectes collectés doivent être stockés dans un flacon d’alcool non dénaturé à 70° minimum. Les informations de récolte : date, lieu, mode de collecte et nature de l’appât, nom du récolteur seront inscrites au crayon à papier sur une étiquette blanche plongée dans le flacon. On évitera d’utiliser un papier trop fragile qui risquerait de se décomposer dans l’alcool.

Lire aussi : http://scarab-obs.fr/index.php/ressources/identification-conservation/

Exemples de collections en boite (à gauche) et en alcool (à droite). Photos : service communication Université Paul-Valéry Montpellier 3.

Références

LUMARET J.P, N. KADIRI & P. JAY-ROBERT, 2002.- Les Coléoptères coprophages : écologie, répartition locale, menaces, reconnaissance, gestion. A.T.E.N. 1-121

TATIN L., E. BECKER, F. SAUGUET & P. JAY-ROBERT, 2014,- Première étude ciblée sur les Coléoptères coprophages dans la steppe de Crau. Nature de Provence - Revue du CEN PACA, publication web, Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur. 1-12

SIMON.A, 2010,- Méthodes de recherche des coléoptères coprophages : retour d’expérience. Invertébrés Armoricains 6 : 34-44

LUMARET J.P & J.P LEGEARD, 2010,- Pastoralismes & Entomofaune. Association Française de Pastoralisme, Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive. 1-16

BOUGET.C & L-M NAGELEISEN, 2009,- L’étude des insectes en forêt : méthodes et techniques, éléments essentiels pour une standardisation. Office national des forêts 19 : 1-145

Site web www.insectes.org : https://www.insecte.org/photos/archives/La_chasse_aux_bousiers.pdf

Auteurs : E. Bousquet & C. Leandro